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Au lit! La bascule entre l’action et l’inaction

Comme tous les soirs, je couche mon fils et ma fille. La petite dernière, souvent épuisée, ne moufte pas. Par contre, pour le grand, c’est souvent son moment de prédilection pour me poser « les grandes questions », celles qui nous tracassent encore adultes. Hier soir, il avait beaucoup de mal à vouloir se reposer, je le comprends, le soleil encore présent n’incite pas à l’endormissement. Il m’a alors fait part de son malaise qui tenait en réalité à son incompréhension d’être « parqué », selon ses mots, seul, mis à l’écart dans une pièce. Il m’a montré les barreaux de son lit superposé accentuant son sentiment d’être en cage.

C’est une situation commune chez les enfants le soir qui, pour beaucoup, appellent sans cesse leurs parents ou n’hésitent pas à se relever. Toutefois, le fait qu’il le verbalise de manière presque adulte et qu’il le matérialise m’a replongée quelques semaines en arrière durant le confinement et je n’ai pu que compatir avec lui. Je me suis immergée alors dans sa petite tête et me suis dit qu’effectivement, les bonnes intentions du sommeil réparateur, qui façonne et sculpte un esprit et un corps bien faits, n’ont que peu d’échos face aux barreaux réprobateurs et à la force d’une injonction autoritaire d’un adulte qui lui ne va pas se coucher.

Finalement, ce temps entre le sommeil et la vie éveillée n’est pas sans poids. On aura beau inspirer et expirer de toutes les façons, le stress ou du moins cette impression tacite entre l’action et l’inaction demeurent présents.

Demeurer seul dans une pièce obscure, bien que nous ne croyions plus aux monstres et autres croquemitaines, impose de se retrouver avec soi, avec des questions sans réponse, avec les inquiétudes du lendemain, les craintes encore non surmontées de la veille qui n’est pas encore la veille mais qui fusionne avec un temps nébuleux. Nous sommes suspendus, non plus dans le lit la tête sur l’oreiller, mais quelque part parfois observateur, parfois décideur souvent soucieux.

Ce temps arrêté nous apporte la certitude que la journée écoulée ne sera plus, plus jamais, comme celle juste avant et toutes les autres et comme le sera celle de demain d’ailleurs, que cela nous plaise ou non car certaines journées méritent leur fin quand d’autres doivent faire l’objet d’un semi-deuil. L’endormissement est une pause temporelle qui nous rappelle à nous, qui nous remémore que le temps court, qu’une respiration contenue et détendue n’y changera rien.

Alors, si nous ne maîtrisons pas ce temps qui s’enfuit rien de plus humain que d’en faire l’expérience dans un espace creux. Cette brèche temporelle, éminemment stressante pour un enfant qui n’a pas nettement conscience des minutes, des heures, des jours etc, nous apporte le semblant de contrôle nécessaire à la réappropriation de nos choix.

Et peut-être, ne peut-on pas y lire une apparition bergsonienne? Le corps présent et l’âme sont en osmose. La spatialité n’a plus aucune espèce d’importance. Il ne reste que la contemplation et ce corps qui s’approprie déjà l’avenir à l’aune des efforts et des souvenirs du passé.

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