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Gaston Bachelard : « le droit de rêver », oh oui!

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Que dire de ce livre? Quelles « nébulations » en tirer? Face à l’incertitude actuelle sur la situation générale de la France ballotée entre des optimistes capitalisant l’espoir et des pessimistes surjouant un rôle qui ne leur sied guère, je me suis ruée sur « le droit de rêver » du philosophe Gaston Bachelard. Parce que oui, s’il-vous-plaît laissez-moi rêver! Il faut savoir que l’auteur n’avait pas prévu de son vivant la réunion des textes publiés ni le titre qui vient de sa description lorsqu’il se dépeint comme un penseur qui s’octroie le droit de rêver. Et là, j’ai découvert, avide, comment se lient le temps, la distance, le mouvement dans une simplicité de la contemplation.

« Ceux qui rêvent éveillés ont conscience de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu’endormis. Dans leurs brumeuses visions, ils attrapent des échappées de l’éternité et frissonnent à leur réveil de voir qu’ils ont été un instant sur le bord du grand secret ».

La contemplation

Gaston Bachelard nous entraine sur un terrain inconnu ou du moins mouvant, le rêve au sens large. Il nous apprend comment la contemplation simple, spontanée de l’art, qu’il s’agisse de gravures, de peintures, de littérature, peut nous conduire vers le monde et notre compréhension intime de ce que nous voyons et vivons. Dès lors, nous nous attardons sur le mouvement de la matière et de la vie. C’est à travers cette dynamique que nous accédons à d’autres phénomènes, à une pureté distincte de l’art. J’ai été émerveillée de voir tout ce que le philosophe pouvait dire sur la poésie de Mallarmé ou les gravures d’Albert Flocon. Je ne les connaissais pas et pourtant je les touchais du doigt parce que je les vivais.

Gaston Bachelard, « le droit de rêver »

Le rêve a ce don qu’il n’est pas inutile, on le cantonne trop à une fonction régénérante alors qu’il donne à voir un nouveau paradigme et nous ouvre la porte de secrets. Dans notre société, les personnalités analytiques, ordonnées et bien organisées sont privilégiées. Allez dire à un entretien d’embauche que vous êtes un rêveur lorsque l’on vous questionne sur vos qualités! Et pourtant, la capacité à se soustraire du monde pour le rêver dévoile une conscience créative forte. Kierkegaard, philosophe et écrivain danois, considérait même que le monde commence par le fantastique.

Le noeud

Selon Gaston Bachelard, le noeud renvoie à des liaisons inconscientes et est un symbole de fixation. Il fait la synthèse entre le rêve et la pensée. J’aime cette idée de jonction et d’accrétion entre les idées plus ou moins raisonnées et le rêve conscient ou non. La figure du noeud est par exemple un vecteur de superstition puissant dans certaines cultures où les parents mettent un noeud sous le lit du bébé pour éloigner le mal. Il contrecarre alors les projets maléfiques d’esprits sataniques pour laisser place au rêve. Gaston Bachelard ne mentionne pas cet exemple mais il procure une force supplémentaire à cette représentation.

Connexion avec le rêve au quotidien

Comment, au quotidien, pouvons-nous lier nos pensées avec nos rêves? Quel chemin emprunter afin de rallier l’imagination à la pensée ? Il faut rechercher son originalité et porter le curseur sur la transformation sans se focaliser sur notre noeud gordien. Au contraire, il faut chercher à se confronter et à se contredire.

Finalement, cet ouvrage nous invite à la rêverie sans toutefois nous promettre le bonheur car irrémédiablement, nous serons face à nos contradictions. Gaston Bachelard insiste sur la solitude et la nuit avec une expression exquise : « La nuit n’est pas un espace. Elle est une menace d’éternité ». Alors, rêver c’est peut-être donner du sens et de la matière à une éternité dévoreuse? C’est s’opposer à une métaphysique de l’instant noyée par nos limites ontologiques. Rêver, c’est oser se soumettre à nos sentiments, les palper et les intégrer, consciemment ou non, à un chef d’oeuvre plus intime et changeant que nous façonnons silencieusement et seul.

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