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A quel point peut-on avoir la certitude de ce que nous vivons?

the foundling stacey halls

Le roman de Stacey Halls « The foundling » (traduit par « l’enfant trouvé » mais je ne connais pas de version française pour l’heure) m’a immédiatement plongée dans l’une de mes craintes que je ne m’étais jamais formulée comme telle, que j’éludais d’un revers de main : comment pouvons-nous être sûrs que nous vivons vraiment ce que nous avons l’impression de vivre? Ou même, sommes-nous certains que nous possédons ce que nous avons? Dans quelle mesure cela va-t-il le rester?

Je m’explique. Par exemple, à l’angle d’une rue, même à un mètre de mes enfants, il m’arrive d’avoir peur de les perdre de vue, même une seconde, et qu’ils disparaissent. Le pire, c’est qu’une petite voix me dit « peut-être as-tu imaginé avoir des enfants », « peut-être n’existent-ils que dans ton esprit ».

L’échange

Ces relents d’incertitude font écho au visionnage du film « l’échange » avec Angelina Jolie et réalisé par Clint Eastwood (que je conseille à 1000%). « Los Angeles, 1928. Un matin, Christine dit au revoir à son fils Walter et part au travail. Quand elle rentre à la maison, celui-ci a disparu. Une recherche effrénée s’ensuit et, quelques mois plus tard, un garçon de neuf ans affirmant être Walter lui est restitué. Christine le ramène chez elle mais au fond d’elle, elle sait qu’il n’est pas son fils. » Ce film traite du sexisme et de l’infantilisation des femmes qui sont facilement manipulables et pour celles qui se débattent la psychiatrie guette.

Christine incarnée par Angelina Jolie, victime d’une manipulation au sommet de l’Etat, s’est accrochée à sa certitude qui l’a conduite à affronter de douloureux traitements.

En lisant « the foundling », l’aphorisme de Nietzsche a jailli dans mon esprit : « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou ». Dans le cas du roman de Stacey Halls, une mère vient chercher son enfant qu’elle avait laissée dans un orphelinat n’ayant pas suffisamment d’argent pour l’élever. Mais au moment où elle réclame sa fille, quelques années plus tard, on lui explique qu’une femme est déjà venue la récupérer il y a déjà des années de ça.

L’histoire prend un autre angle que dans « L’échange », moins dramatique, mais j’ai repensé à ce film que j’ai vu il y a plus de dix ans. Son imprégnation dans mon esprit a été plus violente que je ne pensais parce que, parfois, à la sortie de l’école, quand je viens chercher mon fils ou ma fille, j’ai peur que personne de l’école ne me connaisse, qu’on soit dans l’obligation de me demander de partir.

La certitude vers la folie

Comment défendre ma certitude d’être mère si tout le monde la conteste? Par extension, comment prouver notre certitude? Et c’est bien parce que j’en suis sure que j’en ai peur. Je dévie toutefois du sens originel de la formule de Nietzsche qui traite de la certitude insufflée principalement par une religion ou toute forme d’aveuglement fanatique qui pourrait conduire à des exactions violentes, à des crimes pour des raisons supérieures. Je voudrais, pourquoi pas, appliquer cette citation à Angelina Jolie dans son rôle de Christine à qui on a nié sa capacité à avoir toute sa tête, on a nié sa certitude ce qui aurait pu la conduire à la folie, ce qui l’a amenée à de terribles supplices.

Ma certitude est ancrée en moi, je la vis, mais comment faire perdurer des instants déjà passés? Comment ne pas les confondre avec des rêves? Comment construisons-nous nos certitudes?

La certitude au secours du monde

Dans le cas de « The foundling », la certitude est aussi le moyen de la salvation. L’Homme est en quête de connaissances parce qu’il a peur d’après Nietzsche. A travers ses recherches, il rencontre la religion qui vient apaiser ses craintes. Il l’expérimente à l’occasion de prières, de rassemblements ou de retraite spirituelle, peu importe. La conviction se travaille.

La certitude que ce qui est peut ne plus être

Dans le cas de la maternité, c’est la certitude d’être mère qui nous rassure aussi, c’est une appropriation personnelle et concrète du réel que personne ne peut objecter. En parallèle, elle se construit également en s’appliquant à faire du mieux que l’on peut. Finalement, ces craintes irréelles de kidnapping d’enfant ou encore plus rocambolesque, d’enfants qui disparaissent d’un coup sans n’avoir jamais existé ne sont pas tout à fait la contradiction d’une certitude ou du moins pas de la certitude d’être mère mais que ce statut, lui et lui seul, peut disparaître. Pas de manière romanesque mais en devenant mère, on est loin d’être rassuré par la certitude de l’être, on découvre plutôt la peur abyssale de ne plus l’être.

Ici alors, la certitude attise la crainte, elle ne vient la conforter qu’en surface car au fond de soi, dans nos entrailles, on est constamment en proie à la folie, à mille scenarii et milles inquiétudes. Toutefois, on est bercé à travers cette folie, on ne saurait plus s’en passer. Elle s’est immiscée en nous. En somme, on a appris à l’aimer, à l’anticiper et à la maîtriser. On en vient à aimer la certitude d’une folie qui nous rappelle à chaque instant qu’on est mère.

 

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