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L’Ickabog de J.K. Rowling : le vrai importe moins que le sens

Ickabog

Quel plaisir de découvrir le nouveau roman de la célèbre autrice ayant donné naissance à Harry Potter, J.K. Rowling! C’est avec beaucoup d’exaltation que j’attendais d’écouter l’Ickabog, lu en anglais par Stephen Fry, écrivain réputé ayant écrit Mythos et Heros, par exemple, des ouvrages retraçant les grands récits de la mythologie. Au début, on peut être surpris par l’univers du conte qui change drastiquement du monde de Poudlard bien qu’on y retrouve les éléments du fantastique mis en perspective par des personnages très stéréotypés.

Alors faut-il le lire ou non? Of course, oui! J’ai passé un bon moment rythmé par des passages amusants et des rebondissements. L’histoire n’est pas captivante mais elle mêle les ingrédients nécessaires à la décontraction ainsi qu’à la réflexion. Oui car, l’Ickabog nous conduit vers un royaume, Cornucopia, où les décisions politiques du roi constituent le coeur de l’histoire. Au gré des paroles et des prises de position du roi et de son conseiller, issues de mensonges à répétition qui font effet boule de neige, le destin du royaume change et pas vraiment pour le bien…

Le côté obscur du récit incite à réfléchir sur le pouvoir des mots et de l’érection de mythes au sens de Roland Barthes dans notre quotidien qui est codifié et mythifié, même dans ce qu’il a de plus basique. Comment oriente-t-on notre langage et les messages que nous véhiculons dans l’optique de mobiliser une logique d’action? Sans se cantonner à une vision politique strictement dirigeante, le sens de cette pensée peut s’appliquer au registre du quotidien et notre politique routinière au travail, avec nos enfants et surtout à nous-même.

Comment notre pensée et alors nos actions s’adaptent aux récits qui construisent notre monde?

La question n’est pas de se focaliser sur le mensonge ou la vérité mais plutôt sur l’acte de mobilisation faisant suite à un discours. Le livre montre clairement comment la sphère politique dirigeante use de la désinformation afin de mobiliser troupes et or.

On retrouve la même logique avec la gestion sanitaire de la crise que ce soit pour des problèmes d’acheminement des masques, de la fermeture des restaurants et des commerces etc. Il n’est pas question de manipulation ou de mensonge mais plutôt de la mobilisation autour d’une cause commune par l’élaboration d’un discours sanitaire et médical, la mise en place de gestes routiniers comme le lavage des mains vers une action commune : la lutte contre le coronavirus.

C’est seulement à travers cette action commune que prend sens et corps la vérité qui, comme nous pouvons le voir selon les divers avis médicaux, n’est pas nécessairement uniforme. La seule problématique de la vaccination renvoie à tout un panel d’interrogations et de divergences quand bien même son utilité est de facto reconnue.

Dans le livre de J.K. Rowling, peu importe la vérité du discours, il faut avant tout analyser le contexte, les implications et les différents arrangements accompagnant l’information. Il n’est pas question de savoir si, oui ou non, l’Ickabog existe, mais plutôt de savoir que faire de sa supposée existence.

Lorsqu’on nous raconte une histoire, la clé n’est pas nécessairement sa véracité. La valeur objective du message a parfois peu de poids. Mais, il faut davantage se focaliser sur les ajustements que ce récit implique. Vers quels éléments telle ou telle vérité s’oriente-t-elle ? Quelles tendances sont accentuées?

La vérité mise en lumière et la façon de le faire portent davantage un éclairage sur le monde et le sens que prend le récit dans une visée plus large. La question n’est pas le vrai mais l’intelligible. Que comprenons-nous du monde? Comment articuler notre pensée selon les discours dont nous sommes témoins? L’Ickabog fait alors ressortir la problématique des choix à travers une approche phénoménologique. Quelles pensées faisons-nous primer, vers quelles directions?

Comment les mots, les discours agissent sur nos propres actions? Réfléchissez quand, aujourd’hui ou ces derniers jours, au travail, chez vous avec vos proches, une discussion, apparemment anodine aurait pu entraîner de nouvelles structures de pensées, une nouvelle mise en marche. Et vous, n’avez-vous pas cherché, par un récit, à mobiliser de nouvelles actions de la part de votre entourage? Quels récits utilisez-vous? Quels sont vos objectifs?

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