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Généalogie du mal, comment aimer ne plus penser ?

Généalogie du mal Jeong you-jeong

Quand ma mère m’a parlé du livre « Généalogie du mal » écrit par Jeong You-Jeong, j’ai d’abord pensé à une sorte d’étude sociologique ou un livre historique qui revient sur une guerre lointaine. J’ai été surprise sur le coup parce que ce style littéraire ne ressemblait pas à ceux que lisait ma maman d’habitude. Mais elle m’en a dit beaucoup de bien donc je l’ai lu à sa suite.

Et quelle majestuosité ! C’est un roman noir comme je les aime, où les personnages jonglent entre leurs qualités et leurs défauts. Je dois de belles nuits trop courtes et de longues journées fatiguées à ce livre ! Je vous donne mon avis sur « Généalogie du mal » tout en digressant vers des nébulations sur la pensée.

Généalogie du mal, face au noir

Yujin vit avec sa mère et son frère. Un matin, il se réveille en découvrant sa pauvre mère étendue morte sur le sol de leur cuisine, égorgée. Qui a fait ça ? Pourquoi sa mère ? Mais le pire dans cette découverte, ce qui nous tient en haleine tout au long du roman, Yujin ne se souvient pas de la veille, pourquoi donc est-il couvert de sang ce matin ?

Les échanges entre les personnages et la finesse psychologique du roman en font un chef-d’œuvre. Les mots sont si justes qu’on a l’impression de vivre avec cette famille aux mille secrets, aux mille non dits. J’ai eu de la compassion pour Yujin, je me suis demandée ce que j’aurais fait à la place de sa mère et de sa tante. Quels mystères pèsent autour de leur comportement envahissant ?

Toutefois, si j’ai souffert sous la plume de l’auteur, que dire de la fin ? Je n’en avouerai pas plus car c’est là toute la virtuosité de l’oeuvre, nous soumettre jusqu’au bout, pour en fin de compte nous asséner le vertige d’un dénouement appelé par le passé.

Le titre porte bien son nom. On remonte le temps, tels des enquêteurs assoiffés d’effroi, on remonte le fil des secrets de cette famille. Il faut percer à jour des mécanismes pour ne pas recommencer, ne pas en arriver là à nouveau. Dans quel terreau naît et se déploie le mal ? C’est presque un examen méthodique et analytique.

Capitulation de la pensée

Un sentiment d’abandon sous-tend aussi toute la lecture de « Généalogie du mal ». L’auteur nous emporte où il veut. Un coup, on pense avoir percé la noirceur de l’âme de tel personnage pour finalement se demander si on n’avait pas tout faux. Par moment, j’abandonnais ma réflexion, à quoi bon penser, anticiper, enquêter puisque j’ai toujours faux ?! J’ai aimé me laisser aller et admettre ma faiblesse, avouer que je ne peux pas me décider.

En tant que lectrice, simple contemplatrice du mal, j’ai été bluffée. Alors, je me suis laissée porter par le récit, guidée à gauche et à droite. Mon esprit a capitulé. Je me suis laissée faire et c’était agréable. J’ai dévoré chaque mot comme s’ils rendaient, petit à petit, ma conscience et mes capacités de raisonnement en même temps qu’ils m’en dépossédaient.

C’était un chassé-croisé qui me plaisait. Je n’avais jamais appréhendé la lecture comme une forme de déconnexion entière, non pas du monde qui m’entoure mais bien de moi-même. On lit un thriller ou un roman noir psychologique en suivant les pistes et en enquêtant en même temps que le protagoniste. Or, ici, on laisse notre esprit en ouvrant « Généalogie du mal » et on adopte les pensées et l’état de Yujin.

Face au déferlement de sentiments, j’ai mis mon esprit en pause. Je ne pouvais pas choisir pour Yujin, je ne pouvais pas admettre que je m’étais attachée à lui, à ce personnage si imprévisible, me serais-je attachée au mal ?

Pour celles et ceux qui aiment les romans noirs et veulent lire une dystopie, jetez un oeil au roman de Margareth Atwood, Les Testaments.

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